Et vogue la rupture conventionnelle! Issue de l’ANI du 11 janvier 2008 et de la loi du 25 juin 2008, ce nouveau mode de rupture du contrat de travail connaît un franc succès. Plus d’un million de ruptures conventionnelles ont été signées à ce jour. La Cour de cassation a entendu le message : celui des partenaires sociaux qui avaient fait le choix de l’effi cacité et de la simplicité, celui des principaux intéressés – employeurs et salariés – surtout celui des petites entreprises qui la plébiscitent. Pourquoi briser cet élan en restreignant le champ de la rupture conventionnelle et en imposant des conditions qui n’existent pas dans la loi ? C’est à cette enseigne qu’il faut lire l’arrêt très attendu de la chambre sociale du 23 mai 2013 sur la question de la compatibilité d’un litige avec la rupture conventionnelle.
Ce nouveau mode de rupture n’a pas suscité jusqu’ici beaucoup de contentieux, du moins devant la Cour de cassation. C’était aussi l’objectif des partenaires sociaux. Mais une difficulté a beaucoup opposé les cours d’appel.
L’existence d’un litige entre les parties fait-elle obstacle à la conclusion d’une rupture conventionnelle? Affecte-t-elle la liberté du consen tement d’une des parties ? Sur le sujet, plusieurs analyses ont été proposées.
• Une voie radicale incarnée par les cours d’appel de Versailles (15 déc. 2011, n° 10/06409) et d’Angers (20 déc. 2012, n° 10/02401) considère que la rupture conventionnelle est exclu sive d’un différend entre les parties. Ce n’est qu’à cette condition que le consentement peut être libre et éclairé.
• Une voie médiane empruntée par la Cour d’appel de Paris (22 févr. 2012, n° 10-04217) et la Conseil des Prud’ hommes d’Orléans (CPH d’Orléans, 10 janv. 2012, n°F10/00954), soutient au contraire que l’existence d’un litige ne peut suffire à invalider le caractère conventionnel de la rupture.
Que disent les textes ? L’article L. 1237-11 du Code du travail n’évoque pas une quelconque condition liée à l’absence de différend. Les articles suivants sur les entretiens préparatoires (C. trav., art. L. 1237-12), le droit de rétractation (C. trav., art. L. 1237-13) et l’homologation (C. trav., art. L. 1237-14) ont pour objet d’encadrer la procédure et de s’assurer de la liberté de consentement des parties. La Cour de cassation en a tenu compte et a choisi la voie la plus souple. Un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par principe la validité de la convention de rupture. Toutefois, dans certaines hypothèses, l’existence d’un litige peut vicier le consentement du salarié. Ce sera le cas lorsque l’employeur exerce par exemple une pression (violence), comme c’était le cas dans l’arrêt du 23 mai, ou procède à des manoeuvres (dol).
Audrey BALLU-GOUGEON avocat à Rennes