Cour d’appel
Rennes
Chambre 2
4 Janvier 2011
N° 09/02796, 2
Madame Nathalie ROUBY épouse CHAPELAIS
Madame Geneviève PASQUIER épouse WIRTZ, Monsieur Alain CHAUSSON, Madame Odile JULIEN épouse CHAUSSON, Monsieur Jean Pierre MONTSARRAT, Madame Josiane ALBERT épouse MONTSARRAT, Société DE COQUEREAUMONT IMMOBILIER SARL
Classement : Inédit
Contentieux Judiciaire
Deuxième Chambre Comm.
ARRÊT N°2
R.G : 09/02796
Mme Nathalie ROUBY épouse CHAPELAIS
C/
Mme Geneviève PASQUIER épouse WIRTZ
M. Alain CHAUSSON
Mme Odile JULIEN épouse CHAUSSON
M. Jean Pierre MONTSARRAT
Mme Josiane ALBERT épouse MONTSARRAT
Société DE COQUEREAUMONT IMMOBILIER SARL
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 04 JANVIER 2011
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, entendu en son rapport,
Madame Françoise COCCHIELLO, conseiller,
Monsieur Joël CHRISTIEN, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Béatrice FOURNIER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 09 Novembre 2010
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, à l’audience publique du 04 Janvier 2011, date indiquée à l’issue des débats.
****
APPELANTE :
Madame Nathalie ROUBY épouse CHAPELAIS
représentée par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués
assistée de Me Josette EMERIAU, avocat
INTIMÉS :
Madame Geneviève PASQUIER épouse WIRTZ
représentée par la SCP GAUVAIN & DEMIDOFF, avoués
assistée de Me Stéphane JEGOU, avocat
Monsieur Alain CHAUSSON
représenté par la SCP JEAN LOUP BOURGES & LUC BOURGES, avoués
assisté de Me Philippe GRESLE, avocat
Madame Odile JULIEN épouse CHAUSSON
représentée par la SCP JEAN LOUP BOURGES & LUC BOURGES, avoués
assistée de Me Philippe GRESLE, avocat
Monsieur Jean Pierre MONTSARRAT
représenté par la SCP JACQUELINE BREBION ET JEAN-DAVID CHAUDET, avoués
assisté de Me Jean DOUCET, avocat
Madame Josiane ALBERT épouse MONTSARRAT
représentée par la SCP JACQUELINE BREBION ET JEAN-DAVID CHAUDET, avoués
assistée de Me Jean DOUCET, avocat
Société DE COQUEREAUMONT IMMOBILIER SARL
représenté par la SCP JEAN LOUP BOURGES & LUC BOURGES, avoués
assisté de Me Emilie BUTTIER, avocat
EXPOSE DU LITIGE.
Par acte des 25 octobre et 6 novembre 1990, les époux MONSARRAT ont donné à bail aux époux CHAUSSON, des locaux commerciaux à usage d’hôtel restaurant situés à Châteaubriant pour une durée de 9 ans à compter du 1er novembre 1990.
La commission de sécurité de CHATEAUBRIANT en 1992 a prescrit différents travaux de conformité, qui incombaient au locataire et qui ont été pris en charge par ce dernier qui n’a jamais formulé aucune demande à l’encontre du bailleur.
Le 24 mai 1994, selon acte de Maître HUNAULT, Monsieur et Madame CHAUSSON ont vendu à Madame ROUZEAU (Madame WIRTZ née PASQUIER) le fonds de commerce de CAFE HOTEL RESTAURANT.
Suivant acte notarié en date du 26 octobre 1998, Monsieur et Madame CHAPELAIS ont acquis de Madame ROUZEAU le même fonds.
Par acte sous seing privé en date du 11 mai 2000, Monsieur et Madame MONSARRAT ont renouvelé le bail en faveur de Madame CHAPELAIS pour une durée de neuf ans qui a commencé le 1er mai 2000 pour se terminer le 30 avril 2009.
En 2000, le bailleur a pris en charge certains travaux.
Au terme du compte-rendu de visite effectuée le 26 août 2003, la Commission de Sécurité de Châteaubriant a sollicité l’exécution de prescriptions antérieures non encore réalisées à la suite de la dernière visite de 1992 ainsi que de nouvelles prescriptions.
Le 13 décembre 2003, le preneur a reçu un courrier de la Mairie de Châteaubriant lui précisant que la commission de sécurité avait émis un avis défavorable à la poursuite de l’exploitation à la suite de sa visite du 26 août 2003, motivé notamment par l’absence de vérification des installations électriques par un organisme agréé.
Le preneur a cependant été autorisé à poursuivre son activité sous réserve de communiquer un échéancier de travaux destiné à lever l’ensemble des prescriptions formulées par la Commission de Sécurité.
C’est ainsi que le preneur a mis en demeure le 30 décembre 2003 le bailleur d’avoir à réaliser les travaux de sécurité visés par la Commission au terme de son compte – rendu de visite effectué le 26 août 2003.
Madame CHAPELAIS a, par acte en date du 12 juillet 2005, fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de NANTES Madame ROUZEAU, Monsieur et Madame CHAUSSON, Monsieur et Madame MONTSARRAT, et le cabinet immobilier DE COQUEREAUMONT, aux fins de voir notamment :
– prononcer la résolution de la vente du fonds pour vices cachés,et
– obtenir le remboursement de l’intégralité des loyers versés ainsi que des dommages et intérêts.
Selon jugement en date du 24 février 2009, le Tribunal de Grande Instance de NANES a rejeté les demandes de Madame CHAPELAIS et a condamné cette dernière à verser à chacun des défendeurs la somme de 2 000 euro sur le fondement de l’ article 700 du code de procédure civile .
Madame CHAPELAIS a relevé appel de cette décision.
Celle-ci demande à la Cour de :
‘- déclarer recevable et bien fondé l’appel interjeté par Madame Nathalie CHAPELAIS,
Par conséquent,
– réformer la décision dont appel en toutes ses dispositions à l’exception de la disposition relative à la forclusion de l’action en vices cachés,
Et statuant à nouveau,
– condamner les vendeurs, Madame ROUZEAU et Monsieur et Madame CHAUSSON, sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil à garantir à Madame CHAPELAIS des conséquences dommageables des vices cachés,
– lui accorder le bénéfice de l’action rédhibitoire,
– dire le contrat de vente du fonds de commerce résolu,
– condamner solidairement les vendeurs, Madame ROUZEAU et Monsieur et Madame CHAUSSON, au versement provisionnel d’ :
‘ une somme de 80 000 euro correspondant au seul remboursement du prêt contracté pour financer l’acquisition du fonds de commerce, sur sept ans de décembre 1998 à novembre 2005,
‘ ainsi que 1 920 euro au titre des frais d’enregistrement à la charge de l’acquéreur.
– subsidiairement, accorder à la concluante le bénéfice de l’action estimatoire,
En conséquence,
– dire et juger que le contrat de bail transmis avec le fonds de commerce est nul et de nul effet,
– condamner en conséquence le bailleur au remboursement de l’intégralité des loyers depuis 7 ans soit la somme de 45 171 euro,
– condamner le bailleur, le mandataire professionnel et les vendeurs, solidairement au versement d’une somme de 250 000 euro à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,
– condamner solidairement les défendeurs au versement d’une somme de 3.000 euro au titre de l’ article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d’instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’ article 699 du code de procédure civile .’
Mme Geneviève WIRTZ épouse PASQUIER conclut ainsi :
‘Vu les articles 1641 et suivants du Code Civil ,
– confirmer par ailleurs le jugement du Tribunal de Grande Instance de NANTES du du 24 février 2009 ,
– dire et juger, en tout état de cause, que l’action rédhibitoire engagée par Madame CHAPELAIS sur le fondement d’un vice caché résultant, selon elle, du défaut de conformité de l’installation électrique aux normes applicables aux établissements accueillant du public est prescrite,
– la déclarer en conséquence irrecevable,
– dire et juger encore, en tout état de cause, que l’action rédhibitoire engagée par Madame CHAPELAIS sur le fondement d’un vice caché résultant, selon elle, du défaut de raccordement des conduites d’eau usées de l’hôtel au réseau d’assainissement de la ville serait défectueux est prescrite,
– la déclarer en conséquence irrecevable,
– débouter Madame CHAPELAIS de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– condamner Madame CHAPELAIS à payer à Madame PASQUIER une somme de 2.000,00 euro à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,
– condamner Madame CHAPELAIS à payer à Madame PASQUIER une somme de 2.000,00 euro au titre de l’ article 700 du code de procédure civile ,
– la condamner également aux entiers dépens, de première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’ article 699 du code de procédure civile ,
Très subsidiairement, prononcer la résiliation de la cession du fonds de commerce conclue entre les époux CHAUSSON et Madame PASQUIER par acte authentique du 24 mai 1994 et condamner les époux CHAUSSON à restituer à cette dernière le prix de cession de 42.685,00 euro,
– condamner, en outre, les époux CHAUSSON à garantir Madame PASQUIER de l’ensemble des condamnations susceptibles d’être mises à sa charge à titre de dommages et intérêts,
– dans cette hypothèse, condamner solidairement les époux CHAUSSON à payer une somme de 2.000,00 euro au titre de l’ article 700 du code de procédure civile ,
– les condamner également solidairement aux entiers dépens, de première instance et d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’ article 699 du code de procédure civile .’
Les époux CHAUSSON sollicitent la Cour de :
‘- dire Mme CHAPELAIS mal fondée en son appel, l’en débouter,
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
– y additant, condamner Mme CHAPELAIS au paiement de la somme de 2 000 euro à titre de dommages-intérêts ainsi qu’à celle de 2 000 euro au titre des dispositions de l’article 700 du CPC pour frais irrépétibles devant la Cour,
– condamner Mme CHAPELAIS aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC par la SCP JL BOURGES-L BOURGES.’
Les époux MONSARRAT concluent à la confirmation du jugement déféré, au débouté de l’ensemble des demandes de Mme MONSARRAT et à sa condamnation au paiement d’une somme de 2 000 euro à titre d’indemnité de procédure.
La Société DE COQUEREAUMONT IMMOBILIER formule les prétentions suivantes :
‘A titre principal,
– dire et juger qu’il ne peut être reproché aucune faute à la société DE COQUEREAUMONT Immobilier,
En conséquence, la mettre hors de cause.
A titre subsidiaire,
– constater le caractère manifestement infondé des préjudices allégués par Madame CHAPELAIS,
En conséquence, la débouter de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause,
– condamner Madame CHAPELAIS à verser à la société DE COQUEREAUMONT Immobilier la somme de 3.000 euro en application des dispositions de l’ article 700 du code de procédure civile ,
– condamner Madame CHAPELAIS à verser à la société DE COQUEREAUMONT une somme de 2 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– condamner la même aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP JL BOURGES – L BOURGES, conformément aux dispositions de l’ article 699 du code de procédure civile .’
Pour un plus ample exposé du litige, il est fait référence à la décision attaquée ainsi qu’aux écritures de Mme Nathalie CHAPELAIS née ROUBY en date du 1er mars 2010, de Mme Geneviève WIRTZ en date du 2 juin 2010, des époux CHAUSSON en date du 17 mars 2010, des époux MONSARRAT en date du 6 mai 2010, de la SARL DE COQUEREAUMONT IMMOBILIER en date du 3 juin 2010 ;
MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant qu’ainsi que le sollicitent les époux CHAUSSON, Mme Geneviève WIRTZ et les époux MONSARRAT, les conclusions de l’appelante en date du 25 octobre 2010 et les dix-huit pièces par elle communiquée le 22 octobre 2010 seront écartées des débats, comme ne respectant pas le principe du contradictoire ; qu’en effet cette signification de conclusions et cette communication de pièces sont intervenues dans un délai très bref avant l’ordonnance de clôture en date du 27 octobre 2010 ne permettant aucune réplique utile de la part des intimés ;
Considérant que l’ article 1648 du code civil , en sa rédaction antérieure au 17 février 2005, énonce que l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un bref délai, selon la nature de ces vices et l’usage du lieu où la vente a été faite ;
Considérant que l’ ordonnance du 17 février 2005 ayant porté le bref délai à deux ans n’est pas applicable en l’espèce, la cession du fonds de commerce litigieux ayant eu lieu le 26 octobre 1998, à savoir avant l’entrée en vigueur de cette ordonnance ;
Considérant que dans son assignation et ses conclusions, l’appelante indique expressément qu’elle a eu connaissance du défaut de conformité de l’installation électrique, à réception de l’avis défavorable de la commission de sécurité en date du 19 septembre 2003 ;
Qu’ainsi, son action rédhibitoire intentée par acte du 4 août 2005 soit 23 mois après la date de découverte du vice caché, se trouve prescrite, faute d’avoir été engagée dans le bref délai prévu par l’ article 1648 alinéa 1 du code civil ;
Considérant qu’il en est de même du deuxième vice caché dont elle se prévaut, concernant l’absence de raccordement des conduites d’eaux usées au réseau d’assainissement de la ville dont elle indique avoir été informée par courrier du 13 juillet 2004 émanant de la Compagnie Générale des Eaux ;
Que compte tenu de la nature du vice, nécessitant une régularisation ainsi qu’une réparation et mise au norme rapides, le délai supérieur à un an mis pour engager l’action selon assignation du 4 août 2005 ne répond pas aux conditions de l’ article 1648 alinéa 1er du code civil ;
Considérant que la prescription est d’autant plus acquise que Madame PASQUIER était informée depuis le constat d’huissier de justice de Me Philippe BRIAND en date du 1er février 1999 de la vétusté de l’installation ;
Que celle-ci a indiqué, le 7 octobre 1999, par le canal de son conseil, avoir trouvé lors de son installation des locaux dans un très grand état de vétusté, ajoutant que d’importants travaux devaient être réalisés pour se conformer aux obligations de sécurité exigées par l’autorité administrative ;
Considérant que les demandes de Mme CHAPELAIS du chef de vice du consentement et erreur sur une qualité substantielle de la chose doivent être rejetées, en raison de la prohibition du cumul d’action ;
Qu’en tout état de cause, ses demandes ne sont pas justifiées ; que le Tribunal a justement relevé :
‘Attendu que faute d’existence des vices cachés allégués, les demandes confuses formées contre le bailleur pour erreur sur les qualités substantielles du fonds qui entraînerait une erreur sur le bail, dol, privation de cause, doivent être rejetées, puisqu’il n’apparaît pas que la chose ait été impropre à sa destination, l’accueil du public, lors de la conclusion du bail ; qu’il en est également nécessairement de même des demandes formées à l’encontre du mandataire des bailleurs, agent immobilier, dès lors qu’aucune faute n’est relevée à son encontre puisqu’il n’est pas établi que l’opération à laquelle il a prêté son concours ait été inefficace ; que d’ailleurs Madame CHAPELAIS n’établit pas avoir cessé son exploitation commerciale.’
Considérant que le jugement dont appel sera seulement réformé en ce qu’il a dit que l’action engagée pour garantie des vices cachés n’était pas atteinte de forclusion ;
Qu’il sera confirmé pour le surplus ;
Considérant que l’appelante, qui succombe, supportera les dépens ;
Qu’il n’est pas démontré que le présent appel, exercice légitime du droit de recours, ait un caractère abusif ;
Qu’en revanche, l’équité commande d’allouer :
* à Mme Geneviève PASQUIER une somme de 2 000 euro,
* aux époux CHAUSSON une somme de 2 000 euro,
* aux époux MONSARRAT une somme de 2 000 euro,
* à la SARL DE COQUEREAUMONT IMMOBILIER également une somme de 2 000 euro,
en compensation de leurs frais non répétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS
Ecarte des débats les conclusions et les pièces signifiées et communiquées par l’appelante les 25 et 22 octobre 2010 ;
Réformant le jugement entrepris,
Déclare irrecevable comme prescrite, l’action en garantie de vice caché intentée par Mme ROUBY Nathalie épouse CHAPELAIS, concernant l’installation électrique et le raccordement des conduites d’eaux usées ;
Confirme pour le surplus le jugement déféré ;
Condamne l’appelante à payer à Mme Geneviève PASQUIER une somme de 2 000 euro, aux époux CHAUSSON une somme de 2 000 euro, aux époux MONSARRAT une somme de 2 000 euro et la société DE COQUEREAUMONT IMMOBILIER une somme de 2 000 euro, en compensation de leurs frais non répétibles d’appel ;
Condamne Madame Nathalie ROUBY épouse CHAPELAIS aux entiers dépens qui, pour ceux d’appel, seront recouvrés selon les modalités de l’ article 699 du code de procédure civile ;
Rejette toutes prétentions autres ou contraires.
Le Greffier, Le Président,