Si, lorsque l’entreprise ne fait pas partie d’un groupe, les difficultés économiques s’apprécient
au niveau de l’entreprise (Soc. 7 oct. 1998), il est admis, depuis les célèbres arrêts Vidéocolor
et TRW REPA du 5 avril 1995, que la cause justificative du licenciement pour motif économique
doit être appréciée au niveau du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise. Ce
cadre d’appréciation vaut, qu’il s’agisse de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la
compétitivité de l’entreprise.
Par deux décisions du 14 décembre 2011 et promises à une large publicité, la Chambre sociale
réaffirme solennellement ce principe de solution, jamais démenti, face à la résistance de certains
juges d’appel.
Ces deux décisions concernaient les salariés d’une même entreprise, qui s’étaient vu proposer
une modification de leur contrat de travail, fondée sur la nécessité de sauvegarder la compétitivité
de l’entreprise, et avaient été licenciés pour motif économique à la suite de leur refus. Les
juges d’appel avaient considéré que le licenciement des intéressés revêtait une cause réelle et
sérieuse. Selon les juges du fond, tout d’abord, le précédent mode de calcul des rémunérations
des conseillers commerciaux et des inspecteurs de la société et, spécialement, de leur part variable
assise sur l’activité commerciale des agents qu’ils encadraient était devenu obsolète, par l’effet
de contraintes tant internes qu’externes et de la nécessité de définir de nouvelles orientations
stratégiques. Il était, ensuite, insuffisamment motivant pour garantir la conquête de nouveaux
clients et maintenir la part de marché d’un assureur qui ne cessait de s’éroder depuis 1995 par
l’effet de la concurrence exacerbée des réseaux d’assurances-vie en ligne et de « bancassureurs ».
Les deux décisions sont cassées, la Chambre sociale reprochant au juge d’appel de s’être déterminé
ainsi, sans expliquer en quoi était caractérisée l’existence, au niveau du secteur d’activité du
groupe auquel la société appartient, de difficultés économiques ou d’une menace pesant sur la
compétitivité de ce secteur.
Audrey BALLU-GOUGEON avocat à RENNES